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Private equity : comment appréhender les offres du marché ?
Dans la course au financement de l’économie réelle, les investissements privés ont surpassé l’accompagnement offert par les banques. L’offre s’élargit et devient, de fait, complexe et difficilement lisible pour le novice.
Estelle Dolla, spécialiste du private equity et cofondatrice - CEO de Private Corner nous livre quelques astuces afin d’y voir plus clair.
- La montée en puissance des fonds de capital investissement a-t-elle changé la configuration des offres disponibles ?
Estelle Dolla : Au cours des 20 dernières années, les actifs non cotés ont pris une place importante dans le patrimoine des investisseurs institutionnels ou des grandes fortunes privées. On dénote deux raisons majeures. Tout d’abord, les rendements sont historiquement plus élevés et beaucoup moins volatils que ceux des marchés cotés. D’autre part, de plus en plus d’entreprises préfèrent se tourner aujourd’hui vers le financement privé (en fonds propres ou en dette) plutôt que d’avoir recours aux financements bancaires afin de bénéficier de meilleures conditions tarifaires mais aussi d’un soutien quotidien dans le développement de leur projet. Grâce à des capacités d’investissement en hausse, les fonds sont devenus des partenaires financiers incontournables qui font battre le pouls de l’économie locale, nationale et mondiale mais aussi des partenaires stratégiques qui partagent leur réseau et leur expertise afin d’accélérer leur croissance.
Face à cet engouement, de nombreux investisseurs beaucoup moins aguerris aux contraintes et aux spécificités de cette classe d’actifs s’y intéressent. Le poids des acteurs des marchés privés dans l’économie s’est accru. Le marché est devenu plus complexe et compétitif. En ce sens, l’offre disponible s’est élargie mais devient difficilement lisible.
- Quelles sont les principales caractéristiques à vérifier avant d’investir ?
E.D : La première étape pour un investisseur est de définir en fonction de sa situation personnelle et professionnelle son horizon d’investissement et son degré d’aversion au risque. A savoir quelle partie de son patrimoine est-il possible d’allouer aux marchés privés. Très peu d’investisseurs privés connaissent les différents segments de cette classe d’actifs ainsi que les risques inhérents d’illiquidité et de perte en capital. Attirés par des promesses de rendement à deux chiffres portées dans des pratiques marketing bien souvent trop agressives, la prudence est de mise. Les investisseurs privés manquent , pour la plupart, de connaissances et de compétences pour arbitrer correctement une allocation non cotée et les risques qui y sont liés. Pour cela, il est impératif d’être accompagné par un professionnel du conseil en investissements qualifié et maîtrisant le triptyque rendement / risque / stratégie d’investissement.
Un point de vigilance est à porter sur le choix des sous-jacents. La qualité de l’équipe de gestion, ses performances passées et sa capacité à délivrer de la performance quels que soient les cycles économiques, sa gouvernance, la stratégie mise en œuvre par le fonds, son positionnement sectoriel et géographique sont des éléments clés pour percevoir l’adéquation entre le fonds proposé d’une part et les objectifs et les besoins de l’investisseur d’autre part.
D’autres paramètres doivent être pris en compte dans l’analyse. Il s’agit notamment du niveau de frais à la charge de l’investisseur (up-front et récurrent) et de la qualité du reporting qui sont déterminants dans la préservation et le suivi de la création de valeur sur ces investissements. Les sommes investies étant bloquées sur du long terme, il est essentiel d’être en mesure de communiquer régulièrement des informations au client concerné.
- Dans les années à venir, quelles performances pouvons-nous espérer ?
E.D : Il est toujours très compliqué de répondre à ce type de question, il ne serait pas étonnant que ce soit le début d’un nouveau cycle qui rende plus difficile la génération de performance et où seule les équipes de premier rang sauront maintenir des niveaux de rendement élevés surperformant ceux des marchés cotés. Si l’on ne peut pas aujourd’hui préjuger des performances à venir, nous savons que cette industrie est une affaire de spécialistes et comme le souligne Hugh MacArthur, Directeur Monde de la division Capital-investissement de Bain & Company1. « Ce sont les fonds les plus expérimentés dans le secteur concerné qui ont le plus de chances de réussir. Pour dégager des rendements en ces temps très risqués, il est indispensable que les investisseurs comprennent parfaitement la microéconomie du secteur, les leviers de création de valeur à actionner et les risques qu’ils devront assumer. » Le choix des fonds, la qualité des équipes de gestion et le bon niveau de diversification sont donc des éléments essentiels de la performance sur le long terme.
1 source. 13ème rapport annuel mondial du capital-investissement publié aujourd’hui par Bain & Company, numéro un mondial des cabinets de conseil aux capital-investisseurs
- Certains oiseaux de mauvais augure évoquent déjà un reconfinement en 2023, ce type de crise pourrait-il avoir des conséquences sur nos investissements ?
E.D : Toute crise peut avoir des impacts sur les investissements, positifs ou négatifs d’ailleurs. La crise COVID a par exemple condamné des sociétés fragiles sur des business modèles vieillissants ou qui n’ont pas su s’adapter à l’évolution de leur marché. À l’inverse, elle a fait émerger de nouveaux leaders, des entreprises faisant preuve d’agilité, et le plus souvent bien accompagnées, qui ont poursuivi ou accéléré leur croissance.
Sur ce dernier point, là encore on peut y noter une vertu du modèle de gouvernance des marchés privés par rapport à celui des marchés publics beaucoup plus structurel, durable et bien établi. Dans la mesure où une société accompagnée par un fonds de capital investissement bénéficie en toute circonstance des appuis externes ou internes du fonds ce qui accroît non seulement son développement mais aussi sa capacité à traverser les crises.
En ces temps incertains, rappelons que le private equity présente un argument philosophique de premier ordre : investir dans l’économie réelle, c’est soutenir notre propre économie !